Ré-emploi et sur-cyclage : savoir se fournir

Nous sommes très heureux d’aborder un thème qui fait de plus en plus de bruit et qui est très pertinent pour un artisan d’art : comment le réemploi et / ou le sur-cyclage peuvent être utilisés avec un savoir-faire artisanal. Le sujet étant tellement vaste, que nous avons choisi de traiter le sujet selon deux axes. Le premier que nous abordons aujourd’hui, autour des sources d’approvisionnement et nous aborderons le prochain le 6 octobre autour du process de création et de fabrication.

Christine Noyer                                        Virginie Ducatillon                                 Louise Dagorne

Christine Noyer Virginie Ducatillon Louise Dagorne


Nous accueillons :

  • Virginie Ducatillon, après avoir passé une dizaine d’années à travailler au sein des plus grandes marques de maroquinerie (Hermes, Chanel, Céline) a pris conscience du rôle que pouvaient prendre les surplus dormants des maisons de luxe. En créant adapta, elle repense la valorisation des matières les plus nobles. Elle déniche pour les créateurs une sélection de peaux de haute qualité dont elle peut assurer la traçabilité. Avec elle, nous allons donc parler notamment de traçabilité.

  • Christine Noyer, en fondant La Tisserie Parisienne, souhaite donner une seconde vie aux textiles de seconde main en les valorisant par le tissage artisanal, destiné aux professionnels de la mode et de la décoration, auprès de qui elle source ses matières premières.

  • Louise Dagorne confectionne des bijoux uniques en offrant une seconde vie à des perles et pierres antiques chinées dans les brocantes. 

Leçons extraites de cette discussion et éléments pour aller plus loin :

L’upcycling ou surcyclage signifie littéralement recycler par le haut, et désigne le processus de revalorisation d’un matériau par le biais de techniques de réassemblage. Il ne nécessite pas de transformer la matière comme le recyclage.

Les enjeux de l’upcycling répondent à des arguments écologiques forts : l’upcycling permet de lutter contre le gaspillage, il est un moyen de réguler la production en évitant la surproduction, et il valorise l’économie circulaire en s’appuyant sur des ressources existantes.

Il met aussi en lien les différents acteurs d’une filière et permet aux petites entreprises avec un budget limité de commander sans minimum de quantité.

L’upcycling est une pratique durable qui va transformer le secteur, même si elle représente une certaine contrainte car elle nécessite d’anticiper et de composer avec le stock existant.

Voici un tour d’horizon de l’upcycling à travers la définition des matières récupérables, l’origine de leur source, le processus de mise à disposition , et enfin les points de vigilance à adopter lors du sourcing.

Quels sont ces récupérables ?

  • Des stocks dormants : des anticipations de production, des projets annulés, des matériaux et/ou produits n’ayant pas coché les prérequis du cahier des charges

  • Des chutes : les déchets après production

  • Des stocks d’invendus, des fin de rouleaux, des vêtements de seconde main

D'où proviennent-t-ils?

  • Des ateliers/usines de transformation (tanneries, mégisserie pour le cuir)

  • Des ateliers de confection ou d’assemblage (maroquineries pour le cuir)

  • Des stocks des Maisons (fils, chutes…)

  • Des centres de collecte et centrales d’achats : La Réserve des Arts (multi matériaux), Adapta (cuir et textile)

  • Des brocantes, puces et vide-greniers

  • Des grossistes

  • Des collectes auprès de particuliers

Comment sont-ils mis à disposition ?

  • Ventes privées des stocks des grandes maisons de luxe pour les créateurs en ligne via des négociants (exemple Adapta)

  • Stockage en entrepôt et vente en ligne

  • Matériaux souvent présentés par saisonnalité conformément aux calendriers de la mode

Points de vigilance

Si l’upcycling permet de garantir les bonnes pratiques, il est cependant nécessaire d’être vigilant et s’assurer selon ses clients que les ressources utilisées répondent à différentes obligations :

  • Traçabilité : obtenir les informations d’origine (tanneries pour le cuir ou les maison de luxe)

  • Règlementation : respecter les normes européennes de type Reach (matières dangereuses), LWG (Leather Working Group), et les règlementations spécifiques comme l’interdiction des matériaux dangereux pour les bijoux (nickel, plomb, cadmium)

  • Authentification : fournir un certificat pour les produits réalisés à base de matériaux réutilisés (bijouterie)

  • Spécificité sectorielle : connaître les différentes techniques utilisées comme le tannage (végétal, chrome), le plaquage…

  • Conformité au brief de départ : le matériau sourcé doit être en phase avec le brief créatif (main, épaisseur du cuir…)

  • Exportation : présenter une nomenclature aux douanes pour les produits exportés

 Quelques citations intéressantes issues des témoignages :

  • Ce n’est pas parce qu’une tannerie n’est pas auditée que c’est une mauvaise tannerie, cela peut être une question de moyens, car l’audit coûte cher, et le fait de travailler avec les grandes maisons de luxe garantit l’excellence de la tannerie.(Virginie)

  • Nous définissons les besoins clients grâce à la collecte des données afin de leur présenter une offre adéquate. (Virginie)

  • Comme nous proposons à nos futurs clients d’utiliser leurs chutes, nous avons un rôle de sensibilisation. (Christine)

  • Le projet se construit à partir des contraintes de stock. (Christine)

  • Quand je chine je n’ai jamais d’idée précise, à contrario je vais chez des grossistes précis pour trouver des pièces particulières ou pour des éditions limitées. (Louise)

  • Je scelle les pampilles du bijou afin que le bijou réponde aux normes en vigueur. (Louise)

  • Avec des approvisionnements aléatoires, c’est difficile de créer une série néanmoins on peut monter jusqu’à 60 pièces d’un même modèle. (Louise)

  • Les pièces qui ne sont pas aux normes sont vendues comme objet d’art et destinées aux galerie d’art ou au spectacle vivant. (Louise)

Pour prolonger la discussion :

Virginie Ducatillon, négociante de cuirs en économie circulaire - Leather Fashion Design (LFD)

Ecouter le replay sur le podcast VOIES

C’est ICI