Maxime Perrolle, tourneur d’art sur bois. L’artiste qui a les pieds sur terre.

Ebéniste depuis 2013, Maxime Perrolle est tourneur d’art sur bois depuis 2016, et aujourd’hui il est aussi sculpteur. Exerçant son art depuis Yvry-sur-Seine où est situé ton atelier, il ne cesse de se déposséder des machines pour se rapprocher du bois qu’il aime passionnément. Il a été lauréat en 2019 du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art porté par Ateliers d’Art de France. Il est vu comme un artiste, et il a aussi le pragmatisme des artisans.

Maxime Perrolle, tourneur d'art sur bois

Nous sommes dans l'atelier de Maxime, pour commencer peux-tu nous montrer à quoi ressemble ton atelier ? Quelles sont les machines que tu utilises ?

C'est un immense atelier partagé qui fait dans les deux mille mètres carré, cloisonnés en plusieurs ateliers. C'est une structure associative, Le Soft, qui est à Ivry sur Seine et regroupe environ 80 artistes et artisans. Dans cet atelier, nous sommes 15, avec différents corps de métiers : des artistes plasticiens, des graphistes, des sérigraphes, de la déco du cinéma….

Au sein de cet atelier, je partage 150 mètres avec quatre artistes et artisans qui travaillent essentiellement le bois. On a un espace collectif et des box, par exemple pour le stockage d'outils. C'est là où je vais affuter mes outils, stocker une partie de mes pièces, créer mes peintures… Je travaille pas mal des pigments qui sont très volatils. Dans une atmosphère où il y a beaucoup de poussière, je dois m’isoler pour travailler mes teintes.

La fameuse machine pour tourner des pièces, c’est un gros tour à bois. La particularité de mon travail, et de celui de quelques autres tourneurs en France, c'est de travailler des bois verts qui sont encore gorgés de sève, ils viennent d'être abattus et sont encore très humides. Je fais donc sécher les pièces qui viennent d'être tournées dans les copeaux.

Quels bois travailles-tu ?

Je travaille beaucoup de chêne français. C’est un arbre qui pousse très bien dans nos régions, en Ile de France, en Bourgogne… Je préfère valoriser les bois locaux qu'on trouve ici. Au tout début, j’ai travaillé des bois exotiques comme les bois précieux. Ce sont des bois qui sont très beaux, très denses, avec une très belle qualité de coupe, magnifique à travailler. Mais ce sont des bois qui sont difficilement traçables au niveau de l'abattage. On ne sait pas du tout dans quelles conditions ils ont été abattus. D’un point de vue éthique, je préfère maintenant travailler les bois locaux, ce sont des bois nobles dont on connait la source.

Il y a deux types de fournisseurs. D’abord la forêt. Je m’y balade de temps en temps. On trouve souvent des arbres qui sont couchés par les vents ou laissés par les bûcherons. Or à partir du moment où les arbres sont couchés sur le sol, ils tombent dans le domaine public et on peut donc les récupérer. Ce sont des bois qui peuvent être là depuis plusieurs années, avec des surprises comme un peu de moisi et donc des décors dans le veinage qui peuvent être intéressants. Mais on est limité si on cherche une dimension particulière. 

Dans ce cas là je me fournis dans une scierie en Bourgogne. Ce sont des exploitants forestiers qui gèrent une partie de leur forêt. Ils font de l'abattage pour prendre soin de leur forêt, coupent les arbres malades pour laisser la place aux plus jeunes. C’est une scierie familiale, avec encore la mère qui doit avoir 80 ans et qui tient encore la comptabilité. C’est encore vraiment dans son jus, tout est en bois. C'est très, très cool, d'y aller. J'aime bien ce contact.

Peux-tu nous dire aussi le temps qu'il te faut pour tourner ou pour sculpter une pièce ?

Le temps est relatif. Tout dépend vraiment des pièces. Là c'est un petit bol en chêne. Il y a du tanin dans le chêne, ce ne sont donc pas vraiment des bols utilitaires, plutôt des bols à usage décoratif. Ces bols sont culbuto, ils n’ont pas de pied et trouvent leur position tout seul. C'est une des premières choses qu'on apprend en tournage sur bois. C’est du tournage assez classique, pour tout ce qui est dans le domaine utilitaire, comme les bols, les saladiers, les boîtes... Ça m'arrive encore d'en faire aujourd'hui, mais beaucoup moins.

Aujourd'hui, je suis plutôt sur ce type de forme là. Ce sont des petits vases en chêne. Là, il y a deux techniques vraiment différentes : le tournage sur bois pour la forme générale et le creusage de la pièce. Il y a ensuite, un travail de sculpture à la main, à la gouge, pour faire toutes les gorges.

Donc tu continues à tourner tout en ayant ajouté une nouvelle une corde à ton arc en sculptant les pièces que tu as tournées ?

Oui, c’est en travaillant des effets de textures et de sculpture sur des pièces tournées que je suis arrivé à avoir l'envie de travailler directement des pièces uniquement issues de la sculpture. 

Généralement, en tournage sur bois, on travaille la moitié de l'arbre. On coupe le cœur qui est la partie la plus nerveuse. En sculpture, on peut travailler dans le sens de la longueur, dans des grands plateaux très gros, on est donc beaucoup moins limités en termes de diamètre. C'est aussi ça qui est intéressant dans le domaine de la sculpture. On est complètement émancipés de la machine et de la manière dont on travaille le bois. On peut travailler dans des formats beaucoup plus imposants.

Tu as été lauréat l'année dernière du prix de la Jeune Création Métiers d'art par Ateliers d'art de France. Tu as été primé par la Fondation Banque Populaire, par le Carrousel des Métiers d'Art. Ce sont des candidatures auxquelles tu as postulé ? Comment ça s'est passé et qu'est-ce que tu en a retiré ?

Je conseille à tout le monde, de passer par ces appels à candidatures et de ne pas en avoir peur parce que cela peut être un tremplin. C'est une mise en avant hyper intéressante. On commence par répondre à un appel à projets avec un dossier qui est validé par un jury. Pour la plupart des prix, il y a un ensuite un deuxième jury. C'est assez intimidant car on se retrouve tout seul devant une quinzaine ou une vingtaine de membres du jury pour défendre son dossier. C’était le cas pour la Fondation Banque Populaire. Chaque prix apporte des choses différentes. Il ne faut pas candidater à tous les prix, mais bien choisir et sélectionner ceux auxquels on souhaite candidater.

Comment choisis-tu les prix auxquels tu candidates ? 

La Banque Populaire m’a plu car c'est une fondation très ciblée, avec plusieurs pôles, dont un pôle métiers d'art pour lequel j'ai postulé. Il y a aussi un pôle handicap et un pôle musique. J'aimais bien la démarche et la promotion des métiers d'art.

On doit faire un business plan sur trois ans. Il ne faut pas en avoir peur, tout le monde sait très bien que vous êtes artisan, on est jugé sur la pertinence du projet et la qualité du travail effectué. On définit son business plan en fonction de ses besoins. Pour la Banque Populaire, j'avais présenté une dizaine de pièces et j’avais choisi de cibler mon business plan sur le financement de salons et de matériels avec un échéancier sur 3 ans. Lorsque l’on passe en commission, soit on vous donne la totalité de la somme qui est alors répartie sur les 3 années. Ou vous recevez une somme chaque année pendant 3 ans.

Il y a d’autres prix pour lesquels on ne reçoit pas d’argent. Par exemple le prix Jeune Création d'Ateliers d’Art de France, le syndicat des métiers d'art. Si vous ne les connaissez pas, je vous invite vraiment à aller voir leur site. Ateliers d’Art de France milite notamment pour la création d’un statut juridique pour les artisans d'art qui aujourd'hui n'existe pas en France. Tous les ans il y a un appel à candidatures pour leur le prix Jeune Création qui finance la participation des lauréats à Maison et Objets, Révélation ou au salon du Patrimoine Culturel au Carrousel du Louvre.

Comment choisis-tu les salons auxquels tu participes ?

Les 2 premières années en tant que tourneur sur bois, en 2016 et 2017, pour me lancer et parce que j'avais besoin de savoir quelle clientèle était intéressée par mes créations, j’ai commencé par des pop-up stores, des petites boutiques éphémères dans Paris. Ça demande un petit investissement, mais il n'y a pas trop de risques. J’ai aussi fait pas mal de marchés artisanaux, des foires… Cela m'a permis de me faire la main. J'ai beaucoup adapté ce que je faisais, des pièces utilitaires, des petits bols à des prix assez accessibles….

Quand j’ai évolué vers des pièces plus artistiques et à me diriger de plus en plus vers la pièce unique, j’ai commencé à viser d'autres salons avec un autre public. J’ai commencé à faire moins de salon grand public et à faire des salons qui mêlaient grand public et professionnels, par exemple le Carrousel du Louvre et Révélation. Et depuis un an je me suis concentré sur Maison et Objets qui est un salon uniquement professionnel.

Quel investissement la participation à ces allons représente-t-il chaque année ? Y a -t-il un salon plus pertinent par rapport à ta clientèle ?

Chacun a ses propres objectifs. Le mien est de cibler la clientèle des architectes d'intérieur, décorateurs… plutôt que de travailler avec des particuliers et des collectionneurs. Forcément, cela demande un engagement financier qui est beaucoup plus important. Chez Maison et Objets, je prends six mètres carrés pour un coût de 3000 euros, financé à hauteur de 900€ par Ateliers d’Art de France car je suis adhérent, ce qui est non négligeable.

Beaucoup d’artisans disent que Révélations est un tremplin et un investissement, qu’en penses-tu ? 

De mémoire le salon coûte entre 550 et 600 euros du mètre carré, avec un minimum de 12 mètres carrés par stand. Il faut donc avoir les reins solides pour le faire. C'est la raison pour laquelle il y a beaucoup de stands collectifs qui permettent de diviser les charges.

J'ai eu la chance de le faire une fois sur un stand collectif avec LAFTAB, l’Association Française de Tournage d'Art sur Bois. C'est le meilleur salon que j'ai fait. C’est sous la nef du Grand Palais, c’est un lieu emblématique, sublime, avec une lumière extraordinaire pour les pièces. C’est une biennale avec déjà plusieurs éditions, qui monte en notoriété avec des gens qui reviennent. 

Pour moi, c'est vraiment un salon à faire un moment dans sa carrière, même si vous ne faites pas de vente sur place, cela permet d’être présent et de le mettre sur son CV. Se sont de belles rencontres.

Tu as eu des retours sur ce salon ? As-tu vu une différence par rapport à Maison et Objets sur les commandes que tu as eues après ? 

Révélation est surtout un salon grand public, ce n’est pas un salon professionnel même s’il y a des professionnels qui viennent. La majorité du public, ce sont des particuliers dont beaucoup de connaisseurs, amateurs d'art et collectionneurs avec du fort potentiel d'achat. Je m'en étais bien sorti, j’avais vendu 3 pièces. Sur Révélation, contrairement à Maison et Objets, tu achètes sur le salon.

A Maison et Objets, il y une grande majorité de professionnels, même s’il y a un peu plus de particuliers ces dernières années. Vous avez surtout affaire à des sourceurs, qui sourcent des produits dans les bases de données par exemple pour un cabinet d’architectes. Tout se passe en moins d'une minute. Ils n’ont pas temps de parler parce que le salon est immense et leur visite chronométrée. Votre stand doit donc être épuré et lisible. Au début, cela peut être très déroutant. Sur les salons grand public on a l’habitude de parler de nos pièces, mais aussi beaucoup de notre métier avec les curieux. Et là, ce n'est pas du tout le cas, les professionnels connaissent déjà votre métier et s’en fichent un peu, on parle tout de suite de prix.

Est-ce que tu peux nous expliquer comment tes pièces ont évolué depuis que tu es tourneur d'art et comment cela s'est traduit dans ton chiffre d'affaires ? Et aujourd'hui quelle est la répartition entre clientèle directe, clients professionnels et quelle clientèle as-tu grâce aux galeries qui te représentent ?

Les deux premières années, c’était très compliqué, j'avais un job alimentaire à mi-temps. Je faisais beaucoup de petits salons et de petits pop-up avec de la vente directe de pièces utilitaires. Je faisais très peu de chiffre d'affaires. Je crois que les deux premières années, j'étais entre 6.000 et 8.000 euros par an. J'ai commencé à m'orienter vers la pièce unique fin 2018 début 2019. J'ai clairement vu la différence. 2019 a été la première année où j’ai pu lâcher mon job alimentaire et les petits chantiers que je faisais. En 2018, j’ai fait environ 15.000 euros de chiffres d’affaires et 20 000 euros en 2019.

Quand tu es passé de la pièce utilitaire à la pièce unique, as-tu changé de catégorie de clientèle en même temps  ? Est-ce une question de marge ?

Ce n'est pas forcément qu'une question de marge. Quand on travaille avec des professionnels, ils vous achètent des pièces de manière récurrente et commandent toute l’année. C'est aussi le but du salon Maison et Objets. Après, c'est bien de garder une base de clients particuliers. D’abord parce que les relations avec les particuliers connaisseurs et collectionneurs sont beaucoup plus cool, mais ce sont des ventes beaucoup plus aléatoires. Un collectionneur va vous prendre une, deux, trois pièces. Mais au bout d’un moment, sauf s'il y a une maison secondaire ou une troisième maison, il va s'arrêter. Alors qu’avec un professionnel c’est sur du long terme avec une vraie collaboration. 

Les marges que tu appliques avec des collectionneurs et des professionnels sont très différentes ? Comment cela se traduit sur une pièce ?

A partir du moment où j’ai commencé à travailler avec des professionnels, j’ai fait le choix d’augmenter mes prix pour pouvoir m'y retrouver. En moyenne, un architecte d'intérieur ou un décorateur va prendre 25%, un galeriste va prendre 50%. Il y a des artisans qui font la moyenne entre les deux et qui font 30% à tout le monde. Il n'y a pas de règles établies. Du coup, cela fait forcément augmenter le prix des pièces. Par contre, il faut faire attention d'avoir toujours le même prix des pièces. Si par exemple un particulier trouve une pièce à tel prix dans une galerie et qu'il trouve la même directement chez vous à 50%, vous n’allez pas travailler longtemps avec la galerie ! Cela peut être considéré comme de la concurrence déloyale.

Avant je ne connaissais pas trop le milieu des galeries, j’étais un peu la fleur au fusil, tout naïf. Mais j'ai trouvé la galerie Mayaro qui me correspond bien. C’est dans le 7ème arrondissement. La galerie est très ciblée, elle est tenue notamment par Eloïse Gilles et représente des artisans d'art. D’autres galeries dans Paris vont vous dire « mais vous, vous êtes artiste et artisans, c'est quoi ? Et vous ne faites pas de la création ? » il faut vraiment bien choisir avec qui on a envie de travailler.

Aujourd'hui tu es représenté par une galerie et tu es à la Maison des Artistes. Tu te considères comme un artiste ? Quels sont les critères de reconnaissance des artistes et les avantages par rapport à la Chambre des Métiers de l'Artisanat ?

Cela a été une très grosse prise de tête pour moi, car je ne me suis jamais vraiment considéré comme artiste ni comme artisan. Pour moi c'est juste une histoire de statut, de régime.

La problématique qu'on a en France, c'est qu'on n'a pas de statut juridique pour les artisans d'art qui ne savent pas où aller entre la Chambre des Métiers et la Maison des Artistes. Qui sont en plus deux entités qui ne correspondent pas forcément aux métiers et aux attentes des artisans d'art. Dans les pays anglo saxons la législation est complètement différente, avec une vraie mise en avant des métiers d'art qui ne sont pas très loin de l'art contemporain. 

A la création de mon entreprise en 2013, j'étais à la Chambre des Métiers. Aujourd’hui j'ai fait le choix d'être à la Maison des Artistes tout simplement parce que les charges sociales sont moindres et surtout parce que cela me permet de faire des appels à projets artistes. En France il y a le 1% culturel, cela peut être intéressant. Il y a aussi beaucoup d’appel à projets de prix, de bourses ou de fondations où il faut être artiste. Pour les ateliers d’artistes de la ville de Paris, il faut aussi avoir le statut d’artiste pour pouvoir en bénéficier. Il y a donc pas mal d'avantages qui correspondent à ma situation.

C'est un choix personnel. On parle du régime de retraite aujourd'hui, mais je suis persuadé que les artisans ou artistes ne vont pas forcément l’avoir. Quand j’étais en stage j'ai connu des ébénistes qui avait 80 ans, donc je ne me fais trop d'illusions. 

Aujourd'hui, as-tu l'impression de manquer des opportunités en n’étant pas à la Chambre des Métiers de l'Artisanat ?

Certainement. Il y a des avantages et des inconvénients dans les deux statuts. Mais pour le moment cela me correspond plus d’être à la Maison des Artistes.

Si on parle réseaux sociaux, est-ce que cela t’apporte des clients collectionneurs, de la notoriété ?

J’utilise beaucoup Instagram, très peu Facebook. C'est vraiment important de s'y investir, d’abord parce que cela permet d'être en lien avec sa communauté. Il y a une grosse communauté de travailleurs du bois dans tous les pays du monde et qui se connectent sur Instagram. Cela permet de voir ce qu’ils font, de mettre en valeur nos métiers, c’est inestimable.

Sur Instagram, j'ai déjà fait des ventes, j’ai aussi des contacts de galeristes, de collectionneurs ou de particuliers qui me contactent pour me demander un prix ou un catalogue. J’ai aussi contacté Mayaro par Instagram. Et surtout, je suis en contact avec des professionnels, parce que cela correspond à ma dynamique. Cela permet donc de créer de belles opportunités. 

C’est vraiment très important de faire de belles photos sur Instagram. Il ne faut pas hésiter à investir dans du matériel photos. C’est primordial, même si c’est un peu coûteux. Dans nos métiers on travaille énormément l'image et la lumière. Moi par exemple, je travaille beaucoup sur les noirs brûlés au chalumeau. Selon la lumière le noir va avoir des nuances très différentes, il faut pouvoir le mettre en valeur. Si on met une photo fade, la pièce est totalement écrasée, cela ne va pas mettre en valeur votre travail, ce serait dommage. 

Comment fais-tu pour surmonter tes difficultés, as-tu des astuces ? 

Les premières années généralement sont assez galère. Moi j'ai eu une période très difficile avec une remise en question constante. Et puis, j'ai fait pas mal de chantiers et de jobs alimentaires. C’est important de pas en avoir honte et ne pas le subir comme un échec. Parce que votre job alimentaire va justement vous permettre de pouvoir continuer à créer et s’accrocher.

Tu as été formé en tant qu’ébéniste pour démarrer, puis tu as fait des formations complémentaires pour être tourneur sur bois. Peux-tu nous expliquer quelles formations t’ont été utiles pour ton métier d'aujourd'hui ? 

J'avais 20 ans quand j’ai fait ma formation d’ébéniste. Je n’étais plus dans le cursus scolaire et n’ai malheureusement pas pu entrer dans un CAP. J’ai donc fait en 2012 une formation diplômante pour adultes en passant par le GRETA. En 2013 je me suis mis à mon compte. Et en 2016 je me suis formé au tournage sur bois à l’école Jean-François Escoulen.

Avant de se lancer il est ultra important de se former, même si on a déjà des compétences. Si j'ai vraiment un conseil à donner, c’est « Formez-vous, formez-vous ». D’autant plus qu’aujourd’hui, grâce aux organismes de financement, comme le Fongecif, les Régions…. on peut faire des formations intégralement financées. Ça permet d'avoir des bases solides pour pouvoir commencer à bosser. 

As-tu des conseils à donner aux jeunes sur la manière de candidater auprès d’une entreprise, pour un stage, un apprentissage ? 

Je ne peux accueillir de stagiaire dans la structure de ma boîte, mais il ne faut pas hésiter à se rendre sur place et à toquer aux portes pour se présenter et rencontrer les gens. Le contact direct, ça marche bien.

Qu’est-ce qui t’a manqué quand tu as démarré ?

Ce qui m'a manqué au début, c'est le temps, parce que j'avais un boulot alimentaire et j'avais l'impression de ne pas réussir à avancer. J'avais déjà une ligne directrice, je savais que j'avais envie de me diriger vers la pièce unique et j'avais envie de brûler les étapes. Encore aujourd'hui, je trouve qu'on n'a jamais assez de temps. On est artisan et on travaille de nos mains, mais on travaille aussi sur ordinateur, on fait la compta, le démarchage, la vente, les salons…. Et finalement, le temps d'atelier devient assez minime.

Quel temps consacres-tu à la création et la production à l’atelier par rapport au temps passé sur la partie administrative, communication, vente… ?

Cela dépend des périodes. Il y a des moments avec des commandes, la préparation des salons où on passe son temps à l’atelier. Et ensuite on passe beaucoup de temps à prendre en photos les pièces, les intégrer au catalogue, à faire de l’administratif… globalement dans l’année, je pense que c’est du 50-50.

Est-ce que tu as suivi une formation ou un programme d'accompagnement sur la partie business ? Est-ce que tu as été aidé ?

Je n’ai pas été aidé, c'est d'ailleurs ce qui m'a manqué au début. Et c'est ce qui manque généralement dans les formations diplômantes qui sont déjà très intenses. On préfère mettre l'accent sur les compétences techniques que sur les compétences entrepreneuriales. Mais il y a d'autres organismes qui peuvent compenser ce manque de formation sur ces sujets. Je pense par exemple à Pôle Emploi et aux Chambres des Métiers.

Est-ce que tu as pu obtenir obtenir une aide de la part de la région Ile de France pour ta formation à Escoulen ? 

Oui j'avais reçu une aide de la région de la région Ile de France, je ne me souviens plus du montant, mais en gros j'ai quand même financé un quart de ma formation. Je vous conseille de vous renseigner sur le FAFCEA, le fond de formation auquel on cotise quand on est à la Chambre des métiers et qui vous octroie des droits à la formation. Si vous êtes salarié cela peut se faire via le Fongecif¨. Si vous êtes demandeur d’emploi, Pôle Emploi peut aussi financer des formations. Cela dépend vraiment du statut.

Comment adaptes-tu ta casquette entre artistes et artisans en fonction des contextes. Est-ce que tu arrives à assumer les deux conjointement ?

Pour moi, je n’ai pas d’étiquette. Je n'ai pas l'impression d'être artisan, ni artiste. Je suis juste créateur ou sculpteur à la rigueur. J'ai juste envie de créer une pièce. Si je dois m'exprimer sur le sujet, je m'exprime d’abord en mon nom propre, avant d'être un artisan et un artiste.

Quel est ton processus créatif ? Où trouves-tu tes inspirations ? Comment fais-tu pour avoir de nouvelles idées à chaque fois ?

Je suis d’abord inspiré par d’autres artisans. J'aime aussi tout particulièrement ce qui est minéral et aquatique, les formes monolithes sur lesquelles on voit encore les traces d’outils, comme sur les silex taillés. Je puise beaucoup mon inspiration dans la nature, les paysages de sable… Je travaille beaucoup la courbe, le point d’équilibre de mes pièces culbuto… Il y a des courbes partout autour de nous. C'est important d'avoir l'œil, de regarder une ligne d'horizon, une colline ou un arbre….

Quels sont tes conseils pour démarcher une galerie ? 

Mon conseil serait de faire un beau book, avec de belles photos de belles pièces et de trouver les endroits où on peut croiser les galeristes. Si vous faites du porte à porte chez les galeries, cela ne marche pas parce que le propriétaire de la galerie n'est jamais là, c'est souvent un salarié qui tient la galerie. Même si vous déposez en book, il y a peu de chances que cela marche. Alors n’hésitez à aller faire des expos, faire des salons comme Maisons et Objets, même en tant que visiteur….

Est-ce qu'il existe un label particulier pour ceux qui, comme toi, utilisent du bois local avec une traçabilité parfaite ? 

Je ne pourrai pas vous donner le nom de tous les labels, mais cela existe, notamment le Label ONF…

Est-ce que tu as pu te procurer toutes les machines dont tu avais besoin grâce au prix de la Fondation Banque Populaire ?

Non car j'ai fait un gros investissement quand je me suis lancé en 2016. Je suis donc passé par un crédit, pour acheter mon tour à bois professionnel qui est une machine assez chère. Au tout début je me débrouillais comme je pouvais, j’achetais un outil après chaque chantier. C’est impossible de s’équiper entièrement dès la première année sauf si vous avez de l'argent, on le fait donc au fur et à mesure. La Banque Populaire m'a permis de renouveler le matériel que j'avais, d'acheter du matériel de meilleure qualité et du matériel manquant qui m'a permis de faire des pièces plus grosses. 

Merci Maxime d’avoir partagé ton expérience d’artisan et d’entrepreneur !

Pour retrouver Maxime Perrolle:

Instagram : @maxime.perrolle

site web : maximeperrolle.com