Comment protéger ses créations dans l’artisanat d’art ?

Le live d’aujourd’hui aborde la thématique de la propriété intellectuelle. Le sujet est particulièrement intéressant dans un secteur où la création est intimement liée à la personne créatrice. Connaître les droits apportés par la protection juridique permet de juger si c’est nécessaire d’y avoir recours.

Nous avons recueilli les témoignages de deux artisanes qui ont été copiées sans avoir recours à des procédures. Une avocate spécialisée nous apporte son expertise dans la protection des marques :

  • Julie Said, est co-fondatrice et créatrice des accessoires de mariées Lizeron. Elle conçoit avec sa cousine Sidonie des pièces entièrement réalisées à la main en porcelaine froide, poudre de nacre et laiton écroui.

  • Alice Hubert est ciseleuse et créatrice de sa marque de bijoux éponyme. Ces pièces fortes et décalées conjuguent des savoir-faire et techniques très variés en métal et émaux.

  • Catherine Huynh est avocate spécialisée dans le droit de la propriété intellectuelle. Elle accompagne les entreprises dans le conseil en protection de la création et de l’innovation. Les adhérents Artisans d’Avenir bénéficient de 20 min de consultation gratuite par an, ainsi qu’un tarif préférentiel pour toute assistance juridique.

Leçons extraites de cette discussion et éléments pour aller plus loin :

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La propriété intellectuelle consiste à protéger les innovations, inventions et créations. Voici les 5 dispositifs qui permettent leur exploitation exclusive.

Les 5 dispositifs fondamentaux de protection :

1 - Droit des marques 

  • Enjeux : Il s’agit de garantir le monopole d’utilisation d’un nom, d’un logo, ou de tout signe distinctif apte à identifier l’origine commerciale d’un produit ou d’un service en rapport avec l’activité. Il doit différencier la création de la concurrence et doit apporter un gage de qualité au public.

    Le marque, et le logo peuvent être enregistrés de manière indépendante ou ensemble.

    Un nom de collection ou de gamme peut aussi être protégé par le droit de marque, si elle représente un intérêt économique ou d’image pour l’entreprise.

    Le droit de marque permet d’agir et de se prévaloir (du droit de marque) à l’encontre de tiers et s’opposer à  l’utilisation des mêmes produits ou services en date postérieure au dépôt.

    Il permet également de faire usage de la marque dans le cadre de licences accordées à des tiers.

  • Validité : 10 ans renouvelable à l’infini, exploitable sur le territoire français.

  • Etapes clés : L’INPI examine le dépôt et sous condition d’approbation procède à l’enregistrement du dossier et envoie un certificat.

  • Coût : en fonction du nombre de classes de produits et de services désignés, et 190€ pour un dépôt de marque pour une classe de produits et services.

La démarche de recherche de disponibilité ou d’antériorité de marque est non obligatoire mais recommandée auprès de l’INPI. Elle permet avant le dépôt de recenser toutes les marques enregistrées sur les classes de produits ciblés.

 2 - Droit des dessins et modèles

  • Enjeux : Ils se rapportent à la création relative à l’apparence du produit qui soit nouveau et ait un caractère propre.

    Ils sont destinés au secteur mode et bijouterie qui a vocation à renouveler de manière régulière la forme, le design ou l’esthétique d’un produit.

    Ils peuvent être déposés pour un modèle unique ou plusieurs.

    Ils permettent d’obtenir comme pour le droit de marque une exclusivité d’utilisation et une certification d’enregistrement.

  • Le dépôt de dessins et de modèles simplifiés est spécifique à la France.

    Il permet de déposer jusqu’à 100 publications protégées, publiées et enregistrées. Les droits débutent au jour du dépôt conservé secret, jusqu’à la date de publication .

    Contrairement au droit de marque, il offre une protection sur tous les produits ou services.

Par exemple, pour une ornementation, le créateur peut choisir de déposer une partie du motif ou une constitution de différents ensembles, cela dépend de l’exploitation des dessins et de la complexité du modèle.

  • Validité : 5 ans renouvelable tous les 5 ans, jusqu’à 25 ans.

  • Etapes clés : L’INPI examine le dépôt et sous condition d’approbation procède à l’enregistrement du dossier et envoie un certificat.

  • Coût : en fonction du nombre de dessins et modèles et selon la date de publication souhaitée. 39€ le dépôt (jusqu’à 100 pages) - 47€ la publication couleur - 23€ la publication noir et blanc.

3 - Droit d’auteur

  • Enjeux : Il protège les œuvres originales contre une exploitation abusive.

  • Validité : depuis la création jusqu’à 70 ans après le décès de l’auteur.

  • Coût : Honoraires d’un accompagnement professionnel.

  • Formalités : Aucune, la création est donc protégée à partir du jour ou l’œuvre est réalisée

  • Contrainte : En France pas de certificat de droits d’auteur, l’œuvre doit être empreinte de la personnalité et l’auteur doit pouvoir apporter la preuve de la date de la création de l’œuvre, grâce à un dépôt de création auprès d’un notaire, huissier de justice ou bien grâce à l’Enveloppe Soleau.

 Ces trois droits peuvent être cumulés sous réserve que les conditions de validité de chacune soit bien respectée.

4 - L’enveloppe SOLEAU

Déposée en ligne sur l’INPI ou en version papier, elle permet de constituer une preuve de création d’idées, ou des projets en cours. Il peut s’agir du dépôt d’une pièce originale unique ou d’une gamme complète.

Toutes les preuves doivent être datés.

Elle est la solution la moins onéreuse, car elle coûte 15€ l’unité. Elle protège la création pendant 5 ans, renouvelable une fois.

5 - Autres

  • Enveloppe avec Accusé de Réception à soi-même (gestion administrative importante)

  • Blockchain avec horodatage de la création

Bien conserver ses parutions presse, et les numériser (couverture et article avec date de parution pour prouver l’antériorité d’une création), permet d’apporter une protection sur une pièce précise mais ne protège pas une gamme complète.

Pour les parutions Facebook et Instagram, il est recommandé de conserver les posts avec la date de diffusion et de ne pas les supprimer sur les réseaux.

Risques encourus par le contrefacteur

En cas de contrefaçon sciemment ou non intentionnelle, la bonne foi étant indifférente, la personne devient contrefacteur. Cela peut engager sa responsabilité civile en entraînant un préjudice moral, une mise en demeure, des dommages et intérêts au regard du chiffre d’affaires, une destruction des biens et une publication du jugement obtenu auprès du tribunal.

Les bénéfices

La protection individuelle offre une garantie d’exclusivité de ses modèles ainsi qu’une certification pendant une période donnée. C’est aussi l’opportunité de :

  • Créer de la valeur

  • Valoriser ses créations

  • Stimuler créativité et innovation

  • Accroitre sa crédibilité

  • Se développer sur d’autres marchés

Source INPI

POUR ALLER PLUS LOIN

L’action en contrefaçon est une procédure qui se passe devant le tribunal de grande instance et peut durer plusieurs années; il faut donc avoir un avocat. Néanmoins, le chef d’entreprise peut bénéficier de la procédure d’opposition, une action allégée devant l’Inpi, qui juge le litige à moindre frais et décidera de l’enregistrement de la demande de marque attaquée.

Source Le monde des artisans 25/05/2018

 Quelques citations intéressantes issues des témoignages :

  • De toute façon les créateurs sont copiés à un moment donné, donc je me suis attachée à cette idée et j’ai créé d’autres choses, mais j’ai souffert de ne pas agir car il s’agissait de ma pièce phare. (Alice)

  • La copie a eu un impact direct sur nos ventes. (Julie)

  • Nous utilisons toute notre énergie pour redoubler d’efforts. Dès qu’on une idée on y va à fond cela nous permet de garder une longueur d’avance. (Julie)

  • La copie nous pousse à trouver d’autre matières et d’autres finitions. (Julie)

  • Pour le droit des marques, l’investissement est intéressant car les coûts vont être lissés sur toute la durée des 10 ans que va durer la protection. (Catherine)

  • Je préconise d’être accompagné par un professionnel qui sera à même de vous conseiller sur un projet qui pourra évoluer au fil du temps. (Catherine)

  •  Il faut bien se renseigner sur l’existence des marques existantes auprès de l’INPI avant un dépôt sous peine de devenir soi-même contrefacteur. (Catherine)

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