Retour sur les ateliers de co-développement du 28 janvier 2020

comment soutenir l’artisanat d’art, les artisans et futurs artisans ?

Nous avons fait le pari que nous pourrions soutenir l’artisanat d’art en favorisant les échanges, les partages d’expérience et trouvant des solutions pour apporter des solutions aux problématiques de chacun.

Le 28 janvier, nous avons réuni 60 personnes pour une soirée chez Les Compagnons du Devoir autour de Alix Depondt Reynis. Pendant la première partie de la soirée, 60 personnes sont restées absorbées par le témoignage d’Alix, ne ratant pas un détail, une réponse, un conseil. 45 minutes d’entretien, de partage depuis la conviction de devenir artisan jusqu’au développement de la marque Alix D. Reynis telle qu’elle est aujourd’hui. 15 minutes de questions sans artifice et de réponses franches. Beau début.

La deuxième partie de la soirée a été consacrée à un exercice sans doute plus intimidant au tout début mais dont tous les participants pourront témoigner qu’ils en sont sortis grandis. On vous montre ?

Qui sont-ils ?

Ce sont des artisans, des néo-artisans ou en chemin vers un métier d'art. Pour cet exercice, ce sont aussi des “porteurs de projets”, c’est à dire qu’ils vont essayer de résoudre une problématique qu’ils n’arrivent pas à résoudre seuls, grâce au groupe.

Les porteurs de projets

Quelles problématiques ont-ils (elles) soulevéES ?

  • A quel moment lancer son activité ?

  • Comment démarrer son activité quand tout est compliqué au début ?

  • Comment renforcer sa communication de façon à diversifier sa clientèle ?

  • Peut-on être aujourd'hui artisan et en vivre? Quelles solutions envisager pour y parvenir?

  • Comment vendre ses produits quand on est un artisan et qu'on ne se sent pas du tout commercial, qu'on n'y est pas formé et qu'on n’a pas confiance en soi pour le faire ?

  • Comment réussir à déléguer ou mieux gérer son activité afin de garder du temps pour créer et générer un revenu suffisant pour vivre ?

A quel moment lancer son activité ?

Table ronde Claire

Contexte : Claire veut devenir céramiste, métier pour lequel elle s’est déjà formée avec un CAP. Elle est encore en activité et a besoin de son salaire au moins pendant les deux ans à venir. Mais plus elle fabrique, plus elle a envie de se lancer. Elle ne sait cependant pas quand, ni comment se lancer vraiment.

Le groupe l’aide à repréciser sa question en lui posant les questions suivantes : ce qui la préoccupe est-ce vraiment la date ou l’incertitude face au lancement ? Est-ce raisonnable de se lancer aujourd’hui alors qu’elle a besoin de son salaire ? A-t-elle déjà fait des démarches commerciales, administratives ? Est-elle satisfaite de sa situation actuelle ?

A la suite des questions posées par le groupe, Claire reformule sa pensée : en fait, elle sait qu’elle ne peut pas se lancer aujourd’hui puisqu’elle ne peut pas prendre de risque financier. En revanche, elle se demande ce qu’elle doit faire pour être en mesure de se lancer quand elle pourra prendre un risque financier

Les suggestions suivantes lui sont données :

  • Tester son produit : en se confrontant à des clients, elle se confrontera à la réalité de son marché. Cela lui apportera non seulement confiance dans ce qu’elle produit et cela lui permettra d’expérimenter son positionnement. Connaître ses clients est en effet le principal levier pour concrétiser une activité.

  • Se projeter à plein temps dans le métier en y s’y consacrant pendant une durée déterminée mais non négligeable (la suggestion donnée était de 15 jours au moins) : le métier d’artisan est un métier de passionnés, devenir professionnel suppose de se consacrer à la matière sans se lasser, ce qui est différent d’aimer travailler la céramique comme un loisir. C’est également un métier où les débuts sont très solitaires et il faut aussi savoir vendre et gérer l’administratif d’une entreprise. C’est donc important de se projeter pendant une durée non entre-coupée par d’autres activités.

  • Imaginer le profil de céramiste qu’elle veut être : un céramiste entrepreneur qui pour grandir sous-traite une partie de sa production ou un céramiste qui produit toutes ses pièces ? Imaginer son profil permet aussi de calculer un chiffre d’affaires potentiel dans cette activité.

Fort de ces conseils, Claire décide que dans les deux prochaines années alors qu’elle travaille encore pour une activité différente, elle va tester son produit, ce qui va lui permettre de mieux cerner son objectif et se projeter dans une activité de céramiste à plein temps.

Comment démarrer son activité quand tout est compliqué au début ?

Contexte : Marion veut devenir créatrice de bijoux après des études en histoire de l’art. Elle s’est récemment formée avec un artisan d’art, et plus sa réflexion avance, plus l’échéance du début approche, plus elle se pose des questions qui la bloquent : des questions qui paraissent énormes, surtout du point de vue technique liée à l’entreprise (ce qui l’empêche d’avancer sur d’autres sujets), mais aussi d’un point de vue psychologique : la peur de l’inconnu.

Le groupe l’aide à retravailler sa question et lui demande : pourquoi n’a-t-elle pas encore choisi de statut si c’est bloquant ? Pourquoi toutes ces craintes et ces peurs : quel est l’inconnu qui la dérange ? Est-ce que c’est vraiment ce qu’elle veut faire ? Sait-elle ce qui la motive à devenir artisan ? A-t-elle une idée précise de création, des émotions et sentiments que cela lui procure ? Quelles sont les grandes étapes et la hiérarchisation qu’elle doit faire pour avancer ?

Face au besoin de hiérarchiser sa pensée pour avancer, Marion reformule sa question : quelles seraient les solutions simples et immédiates à apporter à ses questions de long terme ?

Le groupe réfléchit collectivement aux solutions possibles :

1-      Il faut prioriser et choisir les 2/3 sujets qui sont les plus importants. Il faut les prioriser avec des échéances et des objectifs. Le groupe lui conseille de différencier : ce qui est urgent et important (à faire tout de suite), ce qui est important mais pas urgent (à planifier), de ce qui n’est ni l’un ni l’autre, dont elle doit se débarrasser à court terme.  `

2-      Ainsi, choisir son statut apparaît comme la première étape la plus importante, qui va lui permettre de débloquer beaucoup de choses. Pour avancer facilement, le statut auto-entrepreneur lui est conseillé par le groupe, car permet de se lancer rapidement avec un numéro SIRET qui permet de devenir professionnel et donc de traiter avec les douanes, les fournisseurs, les potentiels distributeurs…

3-      On lui conseille également d’être accompagnée par des professionnels qui vont l’aider à choisir les petites étapes à faire, mais aussi à construire son projet dans l’ordre : le réseau BGE, la chambre des métiers de l’Artisanat, une pépinière comme la G.E.A.I, ou encore Artisans d’Avenir et le futur programme Impulser. Autant de solutions qui permettent d’être entourée sur les questions de gestion qu’on ne maîtrise pas (juridique, financière…) et donc sur les réponses dites « techniques ».

4-      Il lui est conseillé de s’inspirer du parcours d’artisans, et de ne pas hésiter à se renseigner au maximum auprès d’artisans eux-mêmes. Ce sont ceux qui ont vécu l’expérience qui en parle le mieux. Il ne faut pas avoir peur de les rencontrer, car on n’a rien à perdre à les rencontrer, et chaque petit pas permet d’avancer.

Enfin, il lui est conseillé en parallèle de tout cela, voire en amont, de travailler sur l’aspect personnel de ses motivations. Un exercice comme la Ligne de Vie, le blason, ou encore l’Ikigaï peut lui permettre de savoir ce qui la motive, ce qu’elle aime dans son métier ou non, et donc si elle est faite pour cela. Un travail avec un coach également. Cela permet aussi de savoir ce qu’elle peut faire ou déléguer, et là où elle a besoin d‘aide à l’avenir.

Face à tout cela, Manon décide de faire deux choses :

  • Scinder l’aspect personnel/psychologique du métier, de l’aspect technique. Etre accompagnée par les professionnels du secteur sur les aspects techniques d’une entreprise , et faire de son côté un travail personnel sur ses motivations.

  • Se déclarer auto-entrepreneur pour débloquer toutes les petites questions techniques qui l’empêchent d’avancer. Et de garder en tête cette hiérarchisation.

Comment renforcer sa communication de façon à diversifier sa clientèle ?

Problématique : Aude souhaiterait renforcer sa communication de façon à diversifier sa clientèle parce que pour l'instant elle dépend d'un seul client (Maison de luxe) qui l'empêche de communiquer sur son travail pour elle, de travailler pour un concurrent et lui prend la majorité de son temps. 

Solutions évoquées :

  • Tout d'abord définir quelle clientèle BtoB ou BtoC elle souhaite développer en priorité car ça ne sera pas la même communication 

  • Choisir un canal pour une cible pour un objectif : par exemple le compte Instagram actuel pour la cible clients particuliers et concentrer son temps et efforts quitte à en faire le moyen unique de communication et commercialisation (versus Instagram + site internet eshop et newsletters) en mettant l'accent sur la personnalisation qui est très recherchée par les particuliers.

  • Pourquoi pas aussi ouvrir un profil LinkedIn 

  • Garder une seule et meme ligne éditoriale cohérente sur chaque canal. De façon générale être authentique et sincère

  • Mettre en avant son savoir-faire d'exception auprès de la clientèle pro via soit : la participation à des salons qui lui permettraient de mettre en valeur son savoir-faire et faire connaître ses pièces d'exception type Révélations au Grand Palais (plutôt que Maison & Objet), la participation à des concours d'artisanat d'art type celui de la Fondation Betancourt la création d'un autre compte Instagram dédié à cette activité pour ne pas la polluer avec celle des créations pour les particuliers 

  • Avoir recours à une aide extérieure soit commerciale comme un agent d'artisans d'art comme Raphaëlle Le Baud de Métiers Rares, soit un community manager freelance 

peut-on être aujourd'hui artisan et en vivre? Quelles solutions envisager pour y parvenir?

table ronde1.jpg

Contexte : Ana-Belen est artisane en céramique et vend ses produits en direct (B to C), enseigne la céramique pour s'assurer un complément de revenu, mais souhaiterait pouvoir vivre de sa production

Problématique : Existe t-il un "modèle économique" qui fonctionne, peut-on être aujourd'hui ARTISAN et en vivre? Quelles solutions envisager pour y parvenir?

Solutions évoquées : 

  • Travailler sur sa proposition de valeur et son "story-telling": répondre à la question du "pourquoi?" (référence: conférence TedX de Simon Sinek: https://www.youtube.com/watch?v=CKLLIL8-5Mo) et pas seulement du "Quoi" (qu'est ce que je propose") et du "comment?" (à qui je le propose). "Les gens n'achètent pas ce que vous faites, mais ce pourquoi vous le faites". Dans un monde et un secteur très concurrentiel, les clients vont préférer acheter, entre deux produits ou marques, celui ou celle qui leur procure une émotion, positive de préférence. Or les émotions surgissent de l'histoire, du message que vous véhiculez. Prendre le temps donc se poser, réfléchir à ce message, et se l'écrire en gros et grand. Chacune des actions futures (communication, distribution...) devra être relue à travers ce prisme.

  • Discerner la clientèle que l'on vise - et déterminer ses prix sur cette base: à QUI je souhaite m'adresser? Quels sont les clients que je vise? Puis apprendre à connaître ces clients (centre d'intérêt, pouvoir d'achat, lieux de consommation...) afin de savoir comment les "rejoindre", et écrire également sa stratégie de prix en fonction. Viser haut, que vous envisagiez de la sous-traitance ou non. Etre artisan en France suppose souvent d'être positionné haut-de-gamme pour en vivre.

  • Travailler la confiance en soi et OSER: c'est le propre de tout créateur, de tout artiste, artisan de douter. Il est important de travailler la confiance en soi (référence: "la confiance en soi" de Charles Pépin), en son travail, de sorte à le valoriser à tout moment, auprès de tout interlocuteur. Ecrire son "pitch" et le mémoriser est un moyen d'y parvenir lorsqu'on manque de confiance en soi.

  • Prioriser/faire des choix: essayer de vivre de son artisanat ne va pas sans prendre des risques à un moment donné de son histoire. Si vous cumulez deux activités (enseignement + céramique par exemple), il est probable que pour accélérer le développement de ce qui vous anime profondément, ce qui vous fait vibrer, vous deviez "sacrifier" du temps dédié à l'autre activité (génératrice de revenu)

  • Se rendre visible : outre l'utilisation des réseaux sociaux, en collaborant par exemple avec des plateformes qui ont de la visibilité (par ex: proposer ses services d'enseignante-céramiste à AA, Wecandoo, etc), en identifiant celles qui peuvent toucher la clientèle que l'on cible.

  • Diversification des modes de distribution: démarcher les acteurs du B-to-B qui ont plus de moyens: entreprises privées (qui vont être amenées à supprimer toute forme de vaisselle jetable sous peu), hotels-restaurants,, etc qui ont le mérite de fonctionner à la commande.

  • S'entourer des bonnes personnes, et/ou allouer des budgets sur les missions sur lesquelles on n’est pas à l’aise : parfois un petit budget alloué à la communication, ou l'identité de marque, peut faire basculer les choses et faire prendre à son entreprise une autre dimension. Ce sont des investissements souvent payants. Il est assez rare de pouvoir totalement se passer de cela et ne compter que sur soi pour faire grandir sa marque. 

Comment vendre ses produits quand on est un artisan et qu'on ne se sent pas du tout commercial, qu'on n'y est pas formé et qu'on n’a pas confiance en soi pour le faire ?

table ronde 4.jpeg.jpg

Contexte : Céline est designer-artisan en céramique et propose ses objets/collection aux designers et architectes d'intérieur (B2B).

Problématique : comment vendre ses produits quand on est un artisan et qu'on ne se sent pas du tout commercial, qu'on n'y est pas formé et qu'on a pas confiance en soi pour le faire (peur de démarcher) ?

Solutions évoquées : 

  • Les petits pas : pas de grand plan d'action ni de méthode miracle. Commencer par appeler un premier prospect, puis un second et ainsi de suite.

  • Le test & learn : Ce n'est pas un don inné. On s'améliore au fur et à mesure. On affine son discours, sa proposition, sa méthode. Au début, ne pas appeler les clients les plus importants, mais s'entraîner sur les plus petits. 

  • Désacraliser et oser : il faut oser. Le prendre comme un jeu ou un exercice. On prend sa casquette de commerciale, on "joue" un rôle". Cela peut aider pour se détacher "affectivement" de ses produits.

  • Rester soi même : Etre authentique, raconter son histoire. Construire un story-telling qui donne envie. Séduire avec sa personnalité et son histoire. Les histoires de créateurs/artistes sont touchantes, on a envie de les écouter. Ne pas hésiter à créer du lien et des relations avec ses potentiels clients. Au delà du business, ce sont aussi des rencontres humaines.

  • Travailler le marketing en amont : Préparer son démarchage commercial.

  • Identifier une liste de prospects (ses clients potentiels). Commercer par une liste raisonnable 50-100 prospects pour démarrer c'est bien.

  •  Présenter son offre : un book photo/un catalogue produit, un pitch de présentation.

  •  Adapter son offre à sa cible : est-ce qu'on présente les mêmes produits à tous les archi d'intérieurs qui nous intéressent ou on fait une sélection plus ou moins personnalisée selon le type d'architecte.

  • Tester pour trouver le bon canal et le bon moment : Comment atteindre mes prospects ? (appel au téléphone, mail plus ou moins personnalisé, salon, rendez-vous physique), à quelle moment de la journée, de la semaine ou de l'année je dois les contacter pour qu'ils soient le plus réceptif ? Au fur et à mesure, vous allez savoir ce qui marche pour votre cible.

  • Toujours penser aux besoins de notre cible et aux bénéfices qu'on leur apporte : De quoi ils ont besoins, quels problèmes ils rencontrent ? Et comment mes produits vont leur être utiles, quels bénéfices ils vont en tirer ? Parler des solutions/bénéfices qu'on apporte est toujours plus facile pour attirer l'attention et transformer le 1er mail ou le 1er appel en contrat. 

  • Rester Focus ! ne pas s'éparpiller sur des évènements où l'on est à moitié concerné sous pretexte "qu'on ne sait jamais ou qu'il y a toujours du réseau à faire" ou contacter des personnes qui ne sont pas notre vraie cible. On peut vite gaspiller de l'énergie et s'épuiser.

  • Court mais régulier ! s'imposer des temps dans son agenda dédiés au commercial. Des temps courts (1h ou 2h suffisent) mais réguliers (au minimum 2 fois par semaine). il est très facile de procrastiner, mais les résultats arrivent que si l'on est régulier et focus.

Comment réussir à déléguer ou mieux gérer son activité afin de garder du temps pour créer et générer un revenu suffisant pour vivre ?

table ronde 5.jpg

Contexte : Marie est céramiste d'art depuis 2002 (inscrite à la Maison des artistes). Elle jongle entre plusieurs activités (sa création, prof, freelance en conseil aux néo-céramistes, réponse à des dossiers de candidature) afin de générer un complément de revenus mais ne trouve plus assez de temps pour créer.

Solutions évoquées :

  • Prioriser les objectifs : se concentrer sur le(s) objectif(s) prioritaires : Qu'est-ce qui est le plus important : développer ma marque ? Etre exposée ? Répondre à des dossiers ? Créer de nouvelles pièces ?

  • Evaluer, pour chaque activité entreprise à côté de la création pure, le rapport temps investi / revenu généré : permet de déterminer celles qui sont les activités les plus rémunératrices et sur lesquelles se concentrer plutôt que de se disperser

  • Etablir des ponts entre les différentes activités : est-ce possible de mutualiste certaines tâches administratives pour gagner du temps ? 

  • Etablir une liste de toutes les tâches administratives "lourdes" : définir pour chacune le temps qu'elle nous prend, si elle est réellement lourde, si nous souhaitons la déléguer, si nous pouvons la déléguer ou non, et de quelle manière 

  • Faire appel à un stagiaire pour nous accompagner sur certaines tâches administratives (remplir les dossiers, faire la comptabilité, etc.) afin de se concentrer sur sa création

  • Réfléchir à une nouvelle activité à développer qui serait plus rémunératrice afin de moins s'éparpiller

  • Utiliser un outil numérique adapté pour gérer la dimension administrative, son fichier clients, etc.

  • Commencer par une ou deux actions concrète et facilement réalisable, dès demain, pour commencer à organiser son temps